Les questions environnementales constituent le principal canal par lequel les non agriculteurs vont interroger la pratique des agriculteurs. La thématique du changement de pratiques agricoles en lien avec la reconquête de la qualité de l’eau est un sujet qui met profondément en jeu les valeurs de chacun des acteurs conduisant à des tensions au sein des espaces de concertation. Il est donc important de pouvoir construire les conditions favorables à la mise en débat des questions et intégrer les différentes dimensions qui interviennent.
Formuler le problème : une nécessité
Le fait que les enjeux soient partagés et que les solutions soient connues ne signifie pas que les problèmes sont formulés en des termes traitables par l’ensemble des acteurs sur un bassin versant : un problème formulé du point de vue environnemental n’est pas nécessairement un problème traitable pour les agriculteurs. Le « changement » n’est pas un but en soi mais il est posé par rapport à un problème que l’on souhaite résoudre. Dans le cadre de la reconquête de la qualité de l’eau, le problème est posé d’un certain point de vue. Ainsi, chaque acteur doit reformuler les enjeux en des problèmes qui soient traitables de manière opérationnelle.
Le changement passe par l’appui à la démarche de résolution de problème. La résolution de problème est une activité de réflexion (« quoi faire et comment le faire ? ») qui s’inscrit dans un système de normes partagé (culture technique locale) et qui peut s’appuyer sur différents lieux de dialogue. L’acteur du changement est le « collectif » et non pas chaque agriculteur individuellement. Il semble également essentiel de ne pas se focaliser uniquement sur les exploitants agricoles et d’impliquer les filières amont/aval.
Analyser les besoins des acteurs
Des échanges en bilatéral avec les animateurs de SAGE et/ou de bassins versants en avril et mai 2011 ont permis à la cellule d’animation du Creseb de réaliser une première analyse des besoins des acteurs de la gestion intégrée de l’eau.
Concernant l’évaluation de l’impact économique d’un changement de pratiques / de systèmes à l’échelle de la filière ou d’un territoire, les interrogations portent sur :
- Comment réaliser un état des lieux de la situation socio-économique actuelle sur un territoire ?
- Comment évaluer les conséquences économiques d’un changement de pratiques / de systèmes agricoles ? pour les agriculteurs ? pour l’ensemble de la filière agricole amont/aval et pour le territoire ?
- Quels sont les freins et les leviers économiques au changement ? comment actionner ces leviers ?
Concernant l’analyse sociologique de l’évolution des comportements, les interrogations portent sur :
- Comment accompagner les agriculteurs dans le changement : quels interlocuteurs ? quels sujets aborder ? comment ?
- Comment accompagner les réseaux liés aux agriculteurs : quels acteurs mobiliser en priorité ? quel message et comment ? qui porte le message ?
- Quelles autres alternatives : comment bénéficier des expériences réussies sur d’autres territoires ? quels retours d’expériences chez les agriculteurs ayant changé de pratiques ?
- Quels leviers actionner à une échelle supra-territoriale : Département, Région, Etat, Union Européenne ?
- Comment lever les situations de blocage ?
- A quels rythmes faut-il solliciter les évolutions ?
Si la question « Comment communiquer aux agriculteurs et quels messages faire passer aux agriculteurs (pour permettre un changement) ? » se trouve souvent posée en ces termes, elle apparaît trop « descendante ». Un questionnement préalable est nécessaire afin de comprendre les représentations (le point de vue) des acteurs concernés par un changement (de pratiques / de systèmes agricoles) :
- Quelle représentation ont les agriculteurs (et leur réseau) :
- des problématiques environnementales (et notamment en lien avec la reconquête de la qualité de l’eau) ?
- des actions proposées pour reconquérir la qualité de l’eau ?
- du changement de pratiques / de système ?
- Est-ce que l’analyse qui est faite est partagée par les acteurs de la gestion intégrée de l’eau et par les agriculteurs (et leur réseau) ?
- Comment définir ensemble le changement ?
Cela amène à s’interroger sur le rôle de la communication ou de la logique de la communication et de la sensibilisation par rapport à d’autres modes d’action.
En savoir plus
Dès 2011, la question relative à l’approche socio-économique du changement de pratiques et de systèmes agricoles a été jugée prioritaire par les membres du Creseb.
Depuis, le Creseb accompagne des projets de recherche sur cette thématique, organise régulièrement des journées d’échanges avec les scientifiques et les acteurs de la gestion intégrée de l’eau. De nombreuses ressources documentaires sont également référencées sur son site.