Massifier les initiatives de réduction forte d’usage des produits phytosanitaires par l’agriculture sur un territoire, et mesurer l’effet de ces actions dans l’eau. Tel est l’objectif du projet de recherche-action ENVEZH, porté par le CNRS, co-construit avec 27 partenaires et dont la cible est le bassin versant de l’Yvel (Grand bassin de l’Oust). Le Creseb accompagne la co-construction de ce projet depuis son émergence jusqu’au lancement de sa phase de maturation.
ENVEZH en quelques mots
A la suite des premiers travaux conduits en 2019-2020, puis de la réponse à la saisine de la Région Bretagne en 2021, le Creseb a accompagné l’émergence d’un projet de recherche-action sur les pesticides en Bretagne. L’objectif est d’expérimenter une réduction importante des usages de produits phytosanitaires de synthèse (PPS) sur un territoire en s’appuyant sur les acteurs des filières agricoles, tout en proposant un accompagnement scientifique afin d’évaluer l’amélioration de la qualité des eaux permise par la démarche.
Fin 2022 s’est présentée l’opportunité de soumettre un projet de Démonstrateur Territorial dans le cadre de l’AMI Démonstrateurs Territoriaux pour les Transitions Agricoles et Alimentaires porté par le plan France 2030 (et mis en œuvre par la Banque des Territoires qui accompagne les projets dans les territoires pour le compte de l’État, dans le cadre de France 2030).
Sur la base de l’offre de recherche proposée par les scientifiques, et avec l’appui du Creseb, le CNRS (OSUR/Géosciences Rennes) a construit une candidature en s’associant au Syndicat Mixte du Grand Bassin de l’Oust (SMGBO) ainsi qu’à plus d’une vingtaine de partenaires représentant des filières agricoles, des acteurs de l’accompagnement et de la formation agricole, des entreprises porteuses de solutions innovantes, des bureaux d’études, des collectivités, des associations de riverains.
Le projet proposé s’intitule ENVEZH : Alliance Bretonne pour une Réduction Massive de l’Usage des Produits Phytosanitaires de Synthèse en Agriculture et un Déploiement Accéléré de l’Agroécologie
L’ambition du projet ENVEZH est de rendre possible une réduction massive de l’usage des produits phytosanitaires de synthèse (PPS) par l’agriculture, et de développer l’agroécologie en :
- S’appuyant sur les initiatives de réduction d’usage des PPS portées en Bretagne par les opérateurs des filières agro-industrielles ;
- Poussant ces mêmes acteurs privés de l’agriculture et des filières à innover encore plus, pour accélérer et amplifier les réductions déjà engagées d’usage des PPS en agriculture, avec l’appui des instituts techniques et de recherche publics et/ou privés, des bureaux d’études, des entreprises d’agro-équipements etc… ;
- Évaluant quantitativement l’impact de cette accélération sur les principaux compartiments de l’environnement (sol, eau, biodiversité), avec un focus sur la ressource en eau
A cette fin, un consortium de 28 partenaires a été constitué.
Les objectifs que se sont fixés les partenaires d’ENVEZH sont i) d’accélérer les innovations, qu’elles soient agronomiques, techniques ou organisationnelles permettant une réduction massive de l’usage des PPS par l’agriculture, ii) de partager au maximum ces innovations de manière à pouvoir les agréger au sein d’une même exploitation, d’un même territoire, iii) de mesurer précisément les impacts des innovations sur la qualité de l’eau, iv) de quantifier les co-bénéfices environnementaux des innovations sur le climat (réduction des émissions de GES et stockage de carbone par le sol), la consommation d’eau, et la biodiversité, et enfin v) de diffuser les innovations, pour qu’elles soient massivement appropriées par les agriculteurs et leurs conseillers.
Le bassin versant de l’Oust a été choisi comme territoire de déploiement du démonstrateur ENVEZH, principalement en raison des ressources stratégiques pour l’eau potable que renferme cette partie de la Bretagne, en plus de regrouper de très nombreuses exploitations agricoles.
« Réduire rapidement et fortement la contamination des eaux par les pesticides et leurs métabolites est une nécessité, tant les risques pour la santé des hommes et des écosystèmes sont importants. Le projet ENVEZH est symptomatique de la complexité et de la transversalité des problèmes posés, et de la nécessité de co-construire un cadre partagé de réflexion et d’action associant tous les acteurs concernés »
Gérard GRUAU (CNRS, Géosciences Rennes)
Le projet a été sélectionné parmi les 8 lauréats de la seconde vague de l’AMI Démonstrateurs territoriaux des transitions agricoles et alimentaires. Il comporte une phase de maturation, d’une durée maximale de 18 mois (budget prévisionnel 400 k€), suivie d’une phase de déploiement de 5 ans (budget prévisionnel 19 M€).
Une phase de maturation cruciale pour finaliser la co-construction
L’AMI Démonstrateurs territoriaux des transitions agricoles et alimentaires prévoit une phase de maturation des projets pouvant aller jusqu’à 18 mois. Cette phase est cruciale pour la suite du projet, dans la mesure où elle doit permettre de :
- Consolider le consortium d’acteurs engagés
- Installer des modalités de gouvernance adaptées aux objectifs
- Établir le diagnostic initial du territoire afin de définir les objectifs de baisse d’usages visés
- Préciser la stratégie de la phase de déploiement en détaillant les actions innovantes à conduire et leurs synergies
- Prévoir les modalités de suivi, d’évaluation, de transfert et d’appropriation des résultats, afin d’assurer la réplicabilité du démonstrateur
Phase de déploiement : tester et démontrer
La phase de déploiement du projet, conditionnée à l’approbation de la Banque des Territoires, se déroule sur 5 ans. Elle doit permettre à chaque acteur du projet de tester les hypothèses qui sous-tendent le projet :
- Pour les scientifiques : la concentration d’actions de réduction forte des usages de PPS sur un même bassin versant doit permettre d’observer des baisses de concentration dans les eaux brutes relativement rapidement ; Plusieurs autres co-bénéfices environnementaux (climat, biodiversité) peuvent être identifiés voire quantifiés.
- Pour les acteurs des filières agricoles : les collaborations multi-filières sur un même territoire permettent de lever un certain nombre de verrous au développement de productions nécessitant très peu voire pas de recours aux PPS ; Ce travail collaboratif permet en outre de générer de la valeur ajoutée sur ces nouvelles filières, au bénéfice de tous les acteurs, en particulier des agriculteurs.
- Pour les autres acteurs agricoles (accompagnement technique, développement, formation etc…) : l’entrée multi-filières doit permettre d’identifier des leviers de mobilisation des agriculteurs, quel que soit leur système de production, notamment en apportant une visibilité économique indispensable à la conduite du changement dans les exploitations ; cette approche vise aussi à innover dans les outils d’accompagnement et de formation destinés à l’ensemble des chaînes d’acteurs des filières agricoles bretonnes.
- Pour les porteurs de politiques publiques : le projet doit permettre d’identifier des complémentarités entre dispositifs publics et initiatives privées pour faire évoluer l’agriculture vers des systèmes rémunérateurs pour les acteurs agricoles et préservant les ressources naturelles.
- Pour les riverains (via la présence d’associations dans le projet) : le projet porte aussi l’ambition de faciliter le dialogue entre les riverains et les agriculteurs dans une logique de projet de territoire.
Contribution du Creseb à l’élaboration du projet ENVEZH
L’émergence du projet ENVEZH a été rendue possible par les réflexions conduites par les équipes scientifiques dans le cadre des travaux du Creseb. Le Creseb a accompagné toute la phase d’élaboration de ce projet auquel est intégré un volet appui scientifique. Le Creseb poursuit son accompagnement du projet jusqu’au lancement effectif de la phase de maturation (fin 2023).
