A l’occasion de la 22° édition du Carrefour des gestions locales de l’eau (CGLE 2021), le CRESEB a proposé d’ouvrir un espace pour débattre de l’appui scientifique à la gestion quantitative de la ressource en eau en Bretagne. Cette problématique, très vaste, a été abordée par le prisme de deux entrées intéressant les gestionnaires : (i) la caractérisation des ressources disponibles, en particulier souterraines, et (ii) les liens entre gestion quantitative et état des écosystèmes aquatiques.
participants
Intervenants
Le CRESEB est mobilisé depuis 2012 sur les questions liées à la gestion quantitative de la ressource en eau. Ses travaux l’ont amené à organiser des temps de partage et de mise en débat des connaissances sur ces questions (séminaire / journée / webinaire), à apporter un appui scientifique et technique au montage de projets notamment de recherche action, et à favoriser la co-construction d’outils et de méthodes.
Ce sujet de la gestion quantitative est toujours très présent dans les préoccupations des acteurs bretons de l’eau, avec une acuité renforcée par les effets de plus en plus perceptibles du changement climatique. Le CRESEB a proposé un séminaire sur l’appui scientifique à la gestion quantitative de la ressource en eau en Bretagne :
- Où en est-on côté recherche ? quelles initiatives ont vu le jour ? Avec quelles perspectives de résultats opérationnels ? Quels sont les besoins des porteurs de projets pour avancer ?
- Où en est-on côté territoires ? A quelle(s) échelle(s) s’organisent les réflexions ? Quelles sont les attentes vis-à-vis des scientifiques ?
Déroulé de l’atelier
Ce séminaire a permis d’exposer certains travaux scientifiques en cours portant sur (i) la caractérisation des ressources disponibles, en particulier souterraines, et (ii) les liens entre gestion quantitative et état des écosystèmes aquatiques.
- Le projet Eaux 2050, porté par l’OSUR et le BRGM, vise à caractériser les eaux souterraines à l’échelle régionale en fonction des structures géologiques et hydrodynamiques, évaluer l’impact des changements climatiques sur leur disponibilité, et comprendre comment leur inégale répartition peut être un facteur de vulnérabilité ou d’adaptation.
- Les cours d’eau intermittents, bien que très présents en Bretagne, restent relativement peu étudiés. Or ces phénomènes d’assecs, qu’ils soient d’origine naturelle ou anthropogénique, ont des impacts sur les écosystèmes aquatiques qu’il convient d’appréhender dans une perspective de gestion quantitative de l’eau. Plusieurs projets nationaux et internationaux permettent aujourd’hui d’apporter un éclairage sur ces questions.
Impact du changement climatique sur la ressource en eau
70% des rivières et des fleuves sont impactés par les activités anthropiques, et les ressources en eaux souterraines sont globalement surexploitées. Une prise de conscience de la communauté scientifique pour répondre à ces questions fédère les disciplines, avec des interactions fortes entre les sciences appliquées, les sciences économiques et sociales et les politiques de gestion de l’eau.
En Bretagne, une analyse des tendances sur la disponibilité de l’eau à l’infiltration [précipitation – ETP] montre que si les périodes de recharge (hiver) conserveront a priori un bilan constant, les périodes de décharge (été) seront plus critiques qu’aujourd’hui. Dans un contexte de changement climatique, la diminution des périodes de recharge peut induire une contraction du réseau hydrographique de surface, une modification du partitionnement des écoulements et une perte de biodiversité. Il existe également une variabilité de comportement en fonction de l’interaction entre le climat et la géologie, qui contrôle l’architecture des écoulements et la disponibilité de l’eau dans le paysage.
Le Projet Eaux 2050 a pour objectifs de comprendre les processus et les interactions géologie/climat qui contrôlent la variabilité des débits à l’échelle de la région (notion de Temps caractéristique de vidange – ou demi vie du débit), et d’intégrer l’architecture géologique aux modèles hydrologiques afin de prédire les évolutions de la disponibilité de la ressource en eau dans un contexte de changement climatique.
La thèse de Ronan Abhervé (BV Meu-Chèze-Canut) a pour objectif de mieux comprendre comment se distribue la ressource en eau à l’échelle du Bassin Versant pour mieux accompagner les gestionnaires de l’eau. La mise au point de modèles spatialisés permet de tester des hypothèses de redistribution de la ressource en réponse au changement climatique.
La Thèse de Virginie Maret s’emploie à quantifier et identifier les impacts anthropiques sur la ressource en eau pour les intégrer aux modèles. A partir des années 90 (intensification de l’aménagement du territoire), les modèles basés uniquement sur le climat s’éloignent des données observées. Il est donc nécessaire de mettre en place des modèles hydrologiques qui intègrent les activités anthropiques.
Rivières intermittentes et cours d’eau éphémères
A l’échelle mondiale, plus de 60% du linéaire de cours d’eau est naturellement intermittent (susceptible de s’assécher sur tout ou partie du linéaire, pour des durées variables). La distribution dans le temps et l’espace de ces cours d’eau intermittents change, en lien avec les propriétés naturelles des cours d’eau, mais également en lien avec les activités anthropiques. Par ailleurs la proportion de cours d’eau intermittents dans le monde a tendance à augmenter, en lien notamment avec le changement climatique, avec des conséquences socio-écologiques parfois dramatiques. En France, des travaux ont permis d’estimer que 28 à 43% du réseau hydrographique était intermittent (naturellement ou non). La Bretagne est fortement impactée, notamment dans sa partie Est.
L’intermittence des cours d’eau constitue un défi pour les connaissances en écologie aquatique. Un réseau hydrographique intermittent est en effet constitué d’une mosaïque d’habitats aquatiques et terrestres dont l’arrangement spatial évolue dans le temps. Il existe une corrélation positive entre l’intermittence d’un cours d’eau et la décroissance de la richesse taxonomique. Pour autant, pour les cours d’eau naturellement intermittents, il existe une diversité taxonomique forte entre différents sites dans un même paysage, ou entre différentes dates pour un même site, notamment pour les milieux terrestres. Cette diversité est fondamentale pour la résilience d’un système à l’échelle régionale.
Quid de la gestion de ces systèmes ?
Il n’y a pas suffisamment de données hydrologiques (seuls 5% des stations de la banque Hydro sont sur des secteurs intermittents, et le réseau ONDE ne permet pas de déterminer les fonctionnements écohydrologiques), et cartographiques (plus de 65% des déclassements de cours d’eau sont liés au critère ‘débit suffisant à l’année’) pour comprendre ces phénomènes. L’appui des sciences citoyennes semble être une piste intéressante pour compléter le réseau d’observation. La mise en place de nouveaux outils de mesures (pièges photos) est également une piste étudiée.
L’assèchement est la variable expliquant le mieux la variabilité et la distribution des communautés biologiques d’un cours d’eau (explique autant de variabilité que plus de 200 autres métriques combinées). Mais beaucoup de lacunes sur le lien entre assèchement et biodiversité persistent, pour définir notamment les débits écologiques optimum (quid de l’impact des zones refuges comme les zones hyporhéiques par exemple).
Par ailleurs, les rivières intermittentes souffrent aussi de perceptions sociales négatives (lien avec les services écosystémiques rendus) qui sont une barrière à la mise en place de politiques publiques spécifiques.
Enfin, les signaux changement climatique ou impacts anthropiques sont difficiles à distinguer des phénomènes d’assèchements naturels.
Toutes ces questions demandent de poursuivre les efforts de recherche. C’est notamment le cas via l’accroissement des efforts internationaux pour comprendre le fonctionnement de ces milieux (ex : projet DRYvER).
Ressources complémentaires
Depuis sa création le Creseb est interpellé sur la question de la gestion quantitative de la ressource en eau, en lien avec les milieux aquatiques ou le changement climatique.
Le Creseb accompagne des projets de recherche sur cette thématiques, organise régulièrement des journées d’échanges avec les scientifiques et les acteurs de la gestion intégrée de l’eau. De nombreuses ressources documentaires sont également référencées sur son site.