Face aux interrogations des acteurs de la gestion de l’eau sur le changement climatique et ses impacts sur la ressources en eau, le groupe de travail régional Ressource en eau et changement climatique, animé par le Creseb dès 2018, pointe la nécessité de mettre en place une stratégie d’observation permettant de croiser les besoins pour la décision publique avec les capacités de la recherche.
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Quelle sera la disponibilité de la ressource en eau en terme quantitatif (captages, réservoirs d’eau), dans un contexte de changement climatique et d’évolution des besoins (AEP, agriculture, industrie, tourisme, etc.) ? Quelles données peuvent traduire et/ou être analysées en vue d’une meilleure compréhension/analyse du phénomène pour identifier les tendances et l’éventuelle mise en évidence d’un signal climatique dans ces évolutions (sur les aspects hydrologiques, physico-chimiques, ou écologiques) ?
Pour répondre à ces interrogations, le groupe de travail régional Ressource en eau et changement climatique, animé par le Creseb dès 2018, pointe la nécessité de mettre en place une stratégie d’observation du changement climatique et de ses effets pour mieux cerner les impacts du changement climatique sur l’eau, ainsi qu’une stratégie d’observation des usages de l’eau (notamment souterraine).
S’adapter à un contexte climatique instable
Aujourd’hui la gestion de l’eau se base sur des indicateurs construits à partir de chroniques enregistrées dans un contexte de climat stable (ce qui n’exclut pas une forte variabilité), et ce, que l’on se place du point de vue de la gestion quantitative (volumes prélevables, seuils d’alerte) ou de la gestion qualitative (seuils de concentration de polluants). Cependant, les valeurs moyennes, hautes et basses des paramètres climatiques sont connues.
Ces paramètres climatiques sont ensuite utilisés dans de nombreux modèles, décrivant par exemple l’hydrologie d’un bassin versant, les transferts de nutriments etc. Or, le changement climatique induit une instabilité du climat. Il va modifier les valeurs hautes et basses des paramètres climatiques, mais aussi un grand nombre de phénomènes en lien avec la qualité de l’eau (débits, températures, interactions entre espèces, relations proies-prédateurs, biogéochimie des sols, etc.). Ainsi les modèles développés, ou encore les actions planifiées sur la base d’une hypothèse de stationnarité deviennent caduques.
C’est un changement considérable face auquel les acteurs de la gestion de l’eau vont devoir s’adapter, et qui constitue un défi :
- Sur le plan scientifique puisque les modèles actuels reposant sur l’hypothèse de stationnarité sont remis en cause,
- Sur le plan opérationnel puisque les actions de gestion reposant sur ces modèles sont-elles-aussi remises en cause.
Mieux cerner les impacts du changement climatique
Aujourd’hui des quantités de données sont collectées aux différentes échelles territoriales afin d’évaluer les quantités ou qualités de l’eau. Cependant, il n’y a pas de mutualisation de ces données, et peu sont analysées en vue de mettre en exergue les effets du changement climatique ; le signal climatique n’est pas mis en évidence. La mise en place d’une stratégie d’observation du changement climatique et de ses effets paraît essentielle afin de mieux cerner les impacts, peut-être déjà décelables, du changement climatique sur les ressources en eau.
Le rassemblement des données en un lieu unique, leur analyse sous le prisme du changement climatique, la constitution de chroniques de long terme pourrait permettre de (1) mieux connaître le phénomène (2) ses implications et (3) d’alimenter des travaux de modélisation et/ou de prospective, et par conséquent, de mieux éclairer la décision.
Observer les usages de l’eau
Le changement climatique ne constitue pas le seul facteur de pression sur la ressource en eau. Si a priori, l’augmentation des besoins en eau et l’évolution des usages aura un impact sur la quantité d’eau disponible peut être plus important que le changement climatique, il n’est pas possible de discriminer la part du forçage anthropique (usages) versus le forçage climatique.
La connaissance des différentes pressions de prélèvements s’exerçant sur la ressource en eau est indispensable à la mise en place d’une gestion équilibrée de cette ressource compatible avec le bon état des milieux aquatiques. Or, l’information sur ces prélèvements est bien souvent lacunaire.
Dans ce contexte, la mise en place d’une stratégie d’observation des usages de l’eau est alors un préalable indispensable. L’observation des usages de l’eau est à entendre au sens large. En effet, l’utilisation des sols, les pratiques d’irrigation, de stockage de l’eau et de forage ont également des conséquences sur l’hydrographie des bassins versants. Ces paramètres constituent une pression sur l’eau qui est mal connue.
Préciser les besoins
Dans une perspective d’aide à la décision, ou plus largement de prise de conscience et d’accompagnement au changement du grand public, un préalable nécessaire est d’identifier les questions que l’on souhaite se poser. Les méthodes sont en effet différentes si l’on s’attache à l’examen de chroniques ou d’évènements critiques (extrêmes). Il est également essentiel de faire converger les besoins en connaissances des gestionnaires et les capacités des laboratoires de recherche à traiter les données (existantes ou à produire) et en sortir des éléments de compréhension. Les méthodes de valorisation seront également différentes selon que l’on s’adresse à des gestionnaires, des décideurs publics ou au grand public.
Panorama des premiers éléments de réponse
Le panorama proposé ci-dessous vise à présenter les projets/études initiées par le groupe de travail régional, mais aussi par des partenaires principalement régionaux, et qui répondent aux axes de travail identifiés par le groupe. En aucun cas ce panorama est exhaustif.
Des projets de recherche
Certains projets de recherche se sont emparés de cette problématique d’observation et œuvrent, notamment à l’échelle régional, afin d’apporter des éléments d’identification, structuration, bancarisation, production et analyse de données sur les usages de l’eau et le climat, afin d’appréhender leurs impacts sur la ressources en eau.
Projet “De l’eau pour demain” (2021/2023)
Initié en 2021 sous l’impulsion des 3 syndicats d’eau départementaux de Bretagne, du Conseil départementale du Finistère et du BRGM, le projet De l’eau pour Demain a pour objectif premier de faire un état des lieux des usages et des ressources en eau sur la région Bretagne, afin de comprendre et conceptualiser leur fonctionnement et d’identifier des secteurs résilients. Il est construit en 2 phases. La phase 1 porte sur la connaissance et état des lieux des usages et des ressources en eau sur la région Bretagne. L’objectif est notamment de comprendre les interactions entre consommation et ressources, et d’élaborer un outil de suivi de l’évolution des consommation d’eau en temps réel.
Projet CLIMATVEG (2021-2024)
Le projet de recherche précompétitive CLIMATVEG, Transition et durabilité des systèmes de productions face au Changement climatique, porté par Végépolys Valley ambitionne d’apporter et partager de la connaissance sur les climats de demain 2030-2050, d’appréhender la résilience des exploitations et de caractériser des scénarii d’adaptation.
Il ambitionne également de transférer aux acteurs du territoire des connaissances sur la mise en œuvre de leviers (évalués d’un point de vue économique, environnemental et sociétal) pour anticiper les impacts du changement climatique, et de structurer dans l’Ouest un réseau solide d’expertises pour une agriculture durable plus résiliente et solidaire.
Un sous projet porte spécifiquement sur l’amélioration de l’efficience de l’irrigation pour s’adapter aux changement climatique et aléas hydrique.
Projet BOSCO Bretagne (2021/22)
Le projet BOSCO Bretagne a été labellisé dans le cadre du second appel à projet Space Climate Observatory (SCO) France. Il est porté par l’Université de Rennes 1 – CNRS, et implique plusieurs acteurs bretons.
L’ambition du projet BOSCO est double : (1) Surveiller l’évolution de la teneur en eau des sols et la persistance de conditions sèches à l’échelle de la région Bretagne en cohérence avec l’échelle de la gestion et des écoulements d’eau ; (2) Co construire des outils de diagnostic, d’analyse et de services avec les acteurs et gestionnaires pour l’aide à la décision, et appuyer les politiques publiques à l’adaptation (ressources en eau, agriculture, préservation des écosystèmes).
Observatoire de l’environnement en Bretagne
L’observatoire de l’environnement en Bretagne a pour mission d’accompagner la mise en œuvre des politiques publiques de l’environnement en Bretagne dans deux domaines d’actions : l’accès à la connaissance environnementale et l’observation.
Lancée fin 2021 dans le cadre du projet Feder Breizh’hin, la mission climat de l’Observatoire de l’environnement en Bretagne s’appliquera notamment à :
- Recenser les données existantes sur les effets du changement climatique et sur l’adaptation, particulièrement à l’échelle locale du territoire breton ;
- Identifier les besoins et produire des indicateurs utiles aux territoires en lien avec les autres observatoires régionaux du climat ;
- Produire des supports d’information, de vulgarisation et de communication à destination de divers publics.
Les actions portées par cette mission Climat seront menées en étroite collaboration avec les autres démarches thématiques de l’OEB (eau, énergie, biomasse, déchets, paysage et biodiversité) et particulièrement celle sur l’atténuation (estimation des émissions de gaz à effet de serre).
Projet GLAZ (2021-2027)
Le meta-projet CPER GLAZ (INRAe, IUEM, MSHB, OSUR et OSUNA, 2021-2027) vise à construire une infrastructure de recherche de niveau mondial capable de détecter, d’anticiper et d’accompagner les transitions socio-environnementales que les écosystèmes terrestres et côtiers vont connaître dans les décennies à venir. Ce projet est fondé sur la mise en réseau d’observatoires de recherche existants et déjà labellisés. Il mobilise l’ensemble des sciences de l’environnement et des géosciences, des sciences sociales et des sciences de la donnée pour doter les deux régions de moyens de recherche et d’observation ayant une forte visibilité internationale et répondant aux enjeux liés au changement climatique et à la pression anthropique sur l’environnement. Le premier axe du projet est dédié à la mise en place d’une plateforme de coordination inter-régionale d’observation, avec :
- création d’une infrastructure d’observation haute résolution de l’environnement pour suivre les flux d’énergie, d’eau et de matière verticaux (atmosphère, zone vadose->aquifère) et horizontal (aquifère->rivière->littoral),
- création d’une BDD publique pour l’hydrochimie en nappe et en rivière à l’échelle du territoire régional,
- développement de moyens d’observation multi-échelle/multiparamétrique des agro-hydro-écosystèmes et ressources naturelles pour suivre les changements environnementaux,
- développement de bancs expérimentaux innovant se rapprochant des conditions naturelles pour identifier les interactions et transferts entre les différents compartiments de l’environnement.
Accéder à plus d’information sur le site de l’OSUR et de l’IUEM
Projet Interreg Water For Tomorrow(2021/23)
Water for Tomorrow est un partenariat transfrontalier qui regroupe 5 structures de France et d’Angleterre, dont le BRGM. Le projet développe et teste des outils innovants de gestion de l’eau et des processus de développement de nouvelles règles de gestion. Ceux-ci permettront une gestion plus réactive à court terme des épisodes de sécheresse, et une meilleure planification des investissements et de la gestion de l’eau à long terme pour les territoires.
Un des cinq sites pilotes se trouve dans le Sud Finistère, sur le territoire du Syndicat Mixte de l’Aulne (SMA).
Programme One Water (2021/31)
Le programme OneWater – Eau Bien Commun, co-piloté par le BRGM avec le CNRS et l’INRAE, est l’un des 4 PEPR exploratoires sélectionnés par le gouvernement lors du premier tour de l’appel à projets « Programmes et équipements de recherche prioritaires » (PEPR). Parmi les objectifs affichés :
- Anticiper les évolutions des ressources en eau pour faciliter l’adaptation.
- Partager les données sur l’eau pour la connaissance et l’action
- Accompagner la transition vers une nouvelle gouvernance des ressources pour une société durable et résiliente.
- Proposer des solutions pour favoriser l’adaptabilité et la résilience des systèmes socio-hydrauliques.
Des études territoriales
De nombreuses études menées à l’échelle régionale et infra, notamment dans le cadre du déploiement des études H.M.U.C sur le territoire breton, visent à faire un bilan des connaissances sur les ressources en eau (climatologie, hydrologie, hydrogéologie), quantifier les besoins et les usages (prélèvements/ usages actuels et à venir, besoins des milieux), identifier les enjeux (bilan besoin/ressource, identifier les secteurs en tension) et appréhender leurs évolutions (ressource/usage) en lien avec le changement climatique.
Etude sur la gestion quantitative de la ressource en eau en Bretagne : analyse de la pression de prélèvement et définition des volumes disponibles (DREAL Bretagne, 2019).
La connaissance des volumes d’eau réellement prélevés en Bretagne aujourd’hui (en eaux superficielles et souterraines) est imparfaite, ce qui n’empêche pas la réalisation de nouveaux forage pour accéder à de nouvelles ressources d’eau souterraine. Cette situation interroge sur la pression de prélèvement actuelle et sur ses perspectives d’évolution. Initiée en 2019, une étude menée à l’échelle régionale et pilotée par la Dreal Bretagne vise à :
- réaliser un bilan des ressources en eau en Bretagne ;
- quantifier les pressions de prélèvement que subissent ces ressources, et identifier les secteurs potentiellement “en tension”, ou à l’équilibre ;
- reconstituer des séries hydrologiques hors influence des prélèvements ;
- définir par secteur des volumes disponibles en fonction de valeurs planchers (à définir) ;
- analyse des besoins futurs : examiner les modalités d’affectation de ces volumes disponibles aux différentes catégories d’usage.
Etude Finistère eau potable 2050 (CD29, 2021).
Finistère eau potable 2050 est un projet porté par le CD29, qui s’articule autour des objectifs suivants :
- évaluer les besoins en eau et les ressources futurs ;
- protéger, optimiser et économiser la ressource ;
- innover et assurer les travaux de sécurisation nécessaires ;
- organiser les conditions d’une solidarité départementale.
Il s’agit par exemple d’expérimenter de nouveaux modes de gestion collective de la ressource, la potabilisation d’eaux usées épurées ou encore le stockage hivernal d’eaux brutes issues de rivières en vue de les exploiter l’été et en cas de sécheresse.
Les orientations du projet Finistère eau potable 2050 sont validées par la Conférence des autorités organisatrices de l’eau potable du Finistère, instance collégiale composée de maîtres d’ouvrages et producteurs d’eau, de structures et associations territoriales, de partenaires institutionnels, de chambres consulaires, d’acteurs économiques et environnementaux et d’associations de consommateurs.
Etudes ‘gestion quantitative’ initiées sur les territoires de Sage bretons
Plusieurs territoires bretons (Sages Couesnon, Rance Frémur Baie de Beaussais, Baie de Lannion, Argoat-Trégor-Goelo, Baie de St Brieuc, Arguenon – Baie de la Fresnaye, Sud Cornouaille, Vilaine) ont engagé des études afin d’avoir une meilleure connaissance des ressources en eau sur leurs territoires, des enjeux et des usages, et d’observer leurs évolutions en lien avec le changement climatique.
L’Agence de l’eau, la Région Bretagne, la DREAL, l’OFB et le Creseb ont proposé en juin/juillet 2021 un cycle de webinaires dédié au déploiement des analyses Hydrologie, Milieux, Usages et Climat (H.M.U.C.) préconisées dans le SDAGE Loire Bretagne. Un webinaire dédié aux usages s’attachait spécifiquement à faire un état des lieux des outils et méthodes existants pour approcher les différentes pressions sur la ressource en eau en Bretagne.
Allez plus loin
Le Creseb accompagne des projets de recherche sur cette thématique, organise régulièrement des journées d’échanges avec les scientifiques et les acteurs de la gestion intégrée de l’eau. De nombreuses ressources documentaires sont également référencées sur son site.