La connaissance des différentes pressions de prélèvements s’exerçant sur la ressource en eau est indispensable à la mise en place d’une gestion équilibrée de cette ressource compatible avec le bon état des milieux aquatiques. Or, l’information sur ces prélèvements est bien souvent lacunaire. Quelles données, outils et méthodes sont mobilisables pour approcher au mieux ces prélèvements ? Des éclairages sont apportés dans ce webinaire aux échelles du bassin Loire Bretagne, de la région Bretagne et des territoires de SAGE.
participants
intervenants
Table of Contents
L’objectif de ce webinaire est de proposer aux gestionnaires un aperçu des méthodes et données disponibles permettant d’estimer les pressions s’exerçant sur les ressources en eau.
Une approche des usages de l’eau à l’échelle régionale est tout d’abord présentée, avec un focus sur une méthode d’estimation des prélèvements destinés à l’abreuvement des cheptels. La méthode d’estimation des pressions sur l’hydrologie utilisée dans l’état des lieux du SDAGE Loire Bretagne est également détaillée. Les données disponibles sur les prélèvements en eaux souterraines en Bretagne sont rappelées. Enfin, un projet visant notamment à améliorer les connaissances sur les prélèvements effectués sur les réseaux d’eau potable est présenté.
Ce Webinaire s’inscrit dans le cycle de Webinaires “Appui à la mise en œuvre des analyses H.M.U.C dans les territoires de SAGE bretons” proposé en partenariat avec l’Etat, l’AELB, l’OFB, les Départements du Finistère et des Côtes d’Armor, le CRESEB et la Région Bretagne.
Propos introductif
Jean Placines, directeur délégué régional de l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne, rappelle que c’est une spécificité du Sdage Loire Bretagne que de pouvoir initier une étude H.M.U.C. Ces études doivent permettre aux gestionnaires de proposer un cadre pour la gestion des ressources dérogatoire à celui proposé dans le Sdage (construit à une échelle macro), qui prend en compte les spécificités territoriales. Le bien fondé d’une étude H.M.U.C repose sur un apport de connaissances à l’échelle des bassin-versants. C’est aussi une étude complexe, pointue nécessitant des connaissances multiples et une approche intégrée, globale, partenariale. Une étude H.M.U.C. reste un outil d’aide à la décision au service des acteurs du territoire.
L’approche des usages de l’eau au niveau du territoire breton
Dans le cadre d’une étude sur la gestion quantitative de l’eau menée à l’échelle régionale, la DREAL Bretagne revient sur les méthodes d’estimation de certaines pressions et sur la question centrale de la disponibilité des données.
Cette étude vise à établir un bilan ressources-besoins global s’appuyant sur des ordres de grandeur. L’objectif est, si possible, de mettre en évidence des secteurs sous tension qui pourront faire l’objet d’études plus approfondies.
La présentation revient donc rapidement sur la méthode d’estimation des ressources disponibles et se focalise sur les méthodes d’estimation des prélèvements et des rejets par type d’usage :
- Eau potable
- Stations d’épuration des collectivités et des industries
- Industrie
- Agriculture (irrigation, abreuvement, nettoyage des bâtiments)
Pour chacun de ces usages, un certain nombre d’hypothèses ont dû être formulées afin d’estimer au mieux :
- Les prélèvements nets qui sont les prélèvements bruts moins les restitutions au milieu (rejets)
- La variation saisonnière de ces prélèvements nets
L’abreuvement des cheptels : la méthode d’estimation de ces prélèvements sur le milieu a été exposée par Bruno Lebreton (DDTM22) :
- Étape 1 : Estimation des besoins en eau des cheptels par commune, à partir des déclarations de flux d’azote et d’estimations des besoins par type d’animaux.
- Étape 2 : Estimation des prélèvements privés effectués par les exploitations sur le réseau AEP (par le syndicat départemental AEP 22) en soustrayant les prélèvements privés et industriels aux prélèvements totaux sur le réseau AEP.
- Étape 3 : La différence entre les 2 estimations permet d’estimer les prélèvements agricoles effectués directement sur le milieu.
Questions/ Réponses
Quelles sont les données de prélèvements prises en compte dans l’étude régionale de la DREAL ? Seront-elles complétées ou confrontées avec les données disponibles localement dans les territoires de SAGE ?
L’étude régionale se base sur les données de prélèvements issues de la BNPE (Banque nationale des prélèvements quantitatifs en eau) et un échange a eu lieu avec les syndicats départementaux d’AEP. Les points de prélèvements sont cartographiés au centre des polygones mais la version avec géolocalisation exacte peut être fournie.
Pour l’irrigation des cultures sous serre, les prélèvements sont estimés via les données de la Chambre régionale d’agriculture et les surfaces de serre via la BD Topo.
La part des prélèvements des forages non déclarés n’est pas estimée sauf les estimations de prélèvement faites via les surfaces sous serre dont une partie peut provenir de forages. La sous-déclaration de forage concerne surtout les petits volumes. Sur les forages domestiques, on estime que cela peut atteindre 50 % dans certains secteurs.
Pour les prélèvements AEP, les fuites sur les réseaux ne sont pas prises en compte. Les consommations selon les différentes catégories d’acteurs (ex. artisans-commerçants-PME) ne sont pas été détaillées.
La répartition des prélèvements par usage peut être fournie pour la période juin-septembre.
Quand l’étude sera terminée, les données seront mises à disposition sous forme d’un visualiseur. Elles données pourront alors être corrigées (localisation des usines de production AEP et des captages AEP dans la BNPE) et enrichies grâce aux connaissances et études locales existantes dans les territoires de SAGE (ex. étude Adressage sur prélèvements pour cultures sous serre du SAGE ATG) ou à venir.
Certaines stations d’épuration (STEP) rejettent à l’aval extrême de cours d’eau (limite zone estuarienne), ces STEP sont-elles considérées comme rejetant en eau continentale ?
Les STEP proches du littoral ont été étudiées au cas par cas. Il sera donc possible de retrouver dans l’étude régionale comment ont été pris en compte leurs rejets.
Pressions sur l’Hydrologie dans l’état des lieux du Bassin Loire Bretagne
L’évaluation des pressions sur l’hydrologie dans le cadre de l’état des lieux du SDAGE nécessite la quantification des prélèvements. Le SDAGE se place dans un objectif de gestion structurelle, le but étant de s’assurer que les milieux ne subissent pas de pressions excessives au moins 8 années sur 10. On compare donc des prélèvements d’année moyenne avec les débits d’étiage observés une année sur 5 (QMNA5).
Ce travail mené à large échelle implique une méthodologie homogène sur tout le bassin Loire Bretagne dont on peut retenir deux grand principes :
- L’Agence de l’eau Loire Bretagne a tenu compte de la part des prélèvements à l’étiage. Ainsi, 100 % des prélèvements en cours d’eau et de l’évaporation des plans d’eau ont été pris en compte, considérant que ces prélèvements avaient un impact direct sur les débits d’étiage. En revanche, seuls 80 % des prélèvements en nappe libre ont été comptabilisés, pour tenir compte d’un effet potentiellement différé de ces prélèvements sur l’étiage.
- Un coefficient de consommation est appliqué pour tenir compte de la restitution au milieu. Ce coefficient varie selon le type d’usage :
- Refroidissement centrales électriques : 30 %
- Adduction en eau potable : 20 %
- Industrie : 7 %
- Irrigation : 100 %
- Abreuvement : 100 %
Les hypothèses prises pour l’évaluation de la pression sur l’hydrologie dans l’état des lieux du SDAGE sont à affiner dans le cadre des études HMUC. A ce titre, la présentation de l’AELB revient notamment sur les hypothèses d’estimation des prélèvements pour l’abreuvement et de l’interception des flux par les plans d’eau. Par exemple, sur les plans d’eau, l’état des lieux tient compte de l’évaporation estivale, considérée comme un manque à gagner pour les milieux à l’étiage. A l’échelle du bassin, l’estimation aboutit à un débit d’évaporation journalier moyen de 0,5 l/s par ha de plan d’eau. Mais il reste des incertitudes, notamment sur le fait que l’impact cumulé de plusieurs plans d’eau peut être supérieur à la somme des impacts.
Questions/réponses
Pour l’AEP, l’état des lieux (EDL) du SDAGE a-t-il pris en compte un coefficient de consommation variable selon les territoires, étant donné qu’il peut différer fortement d’un BV à l’autre (interconnexion + lieu de rejet des STEP) ?
Dans le cadre de l’EDL, il n’a pas été possible de moduler ce coefficient selon les territoires. Cela fait partie des précisions qui peuvent être apportées dans les études locales HMUC. La prise en compte des interconnexions devrait être améliorée pour le prochain SDAGE.
Comment les prélèvements pour l’irrigation sont rapportés à la période d’étiage?
Le volume total annuel est divisé par 6 (6 mois d’irrigation d’avril à septembre)pour avoir le volume moyen mensuel et est ensuite rapporté aux 90 jours de l’étiage où on considère que se font 100 % des prélèvements d’irrigation.
Pourquoi les prélèvements hors étiage ne sont pas pris en compte dans la pression sur les étiages, alors qu’ils influencent les volumes disponibles pour le soutien d’étiage ? Idem pour les nappes captives qui peuvent avoir un rôle important dans le soutien des débits d’étiage.
Dans l’EDL du SDAGE, les prélèvements hors étiage ne sont effectivement pas pris en compte dans l’évaluation de la pression sur l’hydrologie, mais ils sont pris en compte dans l’évaluation de la pression sur les nappes libres.
Quels sont les plans d’eau considérés dans le calcul de l’évaporation ? Dans l’EDL 2019, l’ensemble des plans d’eau ont été considérés sauf les lacs de barrage car, faisant du soutien d’étiage, il est admis que leur évaporation n’impacte pas le débit estival.
Dans le prochain EDL du SDAGE, il est envisagé de se concentrer sur les plans d’eau à proximité des cours d’eau, tel qu’il a été fait dans l’étude régionale DREAL où seuls les plans d’eau dans la bande des 100 m autour des cours d’eau sont pris en compte.
Le captage des précipitations par les plans d’eau est-il considéré dans le calcul du prélèvement net par évaporation ?
Pour les autres usages, on considère en effet la consommation nette de l’eau pouvant impacter l’hydrologie à l’étiage. L’évapotranspiration d’une surface végétalisée équivalente à la surface des plans d’eau n’est ainsi pas prise en compte dans l’EDL car il est considéré que la végétation capte la réserve utile du sol, les précipitations reçues par cette surface végétalisée n’alimentant donc pas directement le cours d’eau, au contraire d’un plan d’eau.
Dans le même ordre d’idée, pour calculer la consommation nette AEP, ne faudrait-il pas estimer l’évaporation depuis les lagunes STEP et les retenues AEP ?
Ces paramètres ne sont pas pris en compte. Mais ce sont là des remarques pertinentes, et il faudra déterminer si la mise en œuvre est possible à l’échelle bassin Loire Bretagne en fonction de la disponibilité des données.
Que faire pour diminuer l’impact lié à l’évaporation des plans d’eau ?
L’action souvent plébiscitée est l’effacement mais ce n’est pas toujours possible et facile car il faudrait aussi estimer l’impact de l’effacement massif de plans d’eau sur la biodiversité et sur la qualité de l’eau. Le SAGE Couesnon a 3 actions d’effacement de plans d’eau en cours et 2 autres en projet. Idem sur le BV Vie Jaunay en Vendée. Ne faudrait-il pas évaluer l’atténuation de l’évaporation par une solution alternative telle que l’ombragement via la plantation d’arbre et de haie ?
Les données disponibles sur l’eau potable et les prélèvements par forages, aujourd’hui et demain
Arnaud Le Gal (Eau du Morbihan) revient tout d’abord sur quelques définitions et points de vigilance quant à l’exploitation des données publiques disponibles auprès des services d’eau potable.
- Les producteurs d’eau ont des données à des pas de temps très fins sur les volumes prélevés, produits et mis en distribution, mais pas sur les volumes consommés facturés. En effet, les volumes consommés facturés (en bout de chaine de distribution) sont connus au pas de temps annuel, car liés aux relèves de compteurs. Cela empêche notamment de moduler les consommations à l’intérieur d’une année.
- Au sein d’un même réseau de distribution, il y a une déconnexion entre les points de prélèvement et les secteurs de consommation. Donc il y a bien un biais dans l’EDL du SDAGE qui n’a pu tenir compte de ce point à l’échelle Loire Bretagne.
- La structuration des réseaux d’eau potable dépasse les limites administratives et les périmètres des bassins versants, car elle comporte des interconnexions visant à mutualiser les moyens et les infrastructures, et à sécuriser l’approvisionnement.
Plusieurs sources de données peuvent être utilisées :
- Rapport sur le prix et la qualité du service (RPQS) : document public produit sur obligation réglementaire à l’échelle d’un service
- Les observatoires : les syndicats départementaux d’eau potable produisent et tiennent à jour des observatoires des données des services de l’eau. Ces observatoires analysent les évolutions des consommations et effectuent des projections.
L’utilisation et l’analyse des données des services d’eau potable nécessitent donc une expertise. Par ailleurs, ces données demandent à être complétées, c’est l’objet du projet Eau pour demain.
Mélanie Bardeau (BRGM) rappelle tout d’abord le travail d’inventaire des prélèvements d’eaux souterraines réalisé dans le cadre du SIGES Bretagne (sur des données datant de 2009) et toujours disponible .
Le projet De l’eau pour demain est pour l’instant dans une phase 1 qui porte sur la connaissance des usages et des ressources. La phase 2, non enclenchée à ce stade, portera davantage sur les projections futures en lien avec les changements climatiques. La phase 1 du projet se décompose en 4 activités :
- Activité 1 : Connaissance des consommations d’eau du réseau publique
- Caractérisation des consommations (domestiques, agricoles, industrielles) et des comportements en cas de sécheresse
- Interactions consommations et ressources
- Outil de suivi de l’évolution des consommations d’eau en temps réel
- Activité 2 : Connaissance du fonctionnement actuel des ressources en eau
- Analyse rétrospective des difficultés rencontrées par les gestionnaires AEP en situations de cirses (sécheresse et pollutions)
- Analyse du fonctionnement hydrologique des retenues d’eau superficielles (stage)
- Vulnérabilité intrinsèque des ESO aux sécheresses actuelles et passées
- Secteurs à privilégier pour la recherche d’ESO
- Activité 3 : Représentation systémique des équilibres besoins-ressources en eau sur deux territoires : syndicat mixte de l’Aulne et SYMEVAL (Vitré).
- Activité 4 : Recherche de solutions alternatives pour l’accès à de nouvelles ressources en eau
- Eaux usées traitées (REUT)
- Stockages/déstockages en carrières/gravières : étude d’opportunité et d’intérêt
Questions/ réponses
Le projet prévoit-il d’utiliser des débits journaliers des compteurs de sectorisation ?
C’est en effet un des volets du projet Eau pour demain : affecter un suivi temps réel à un panel représentatif de consommateurs (ex. secteur agricole, touristique, urbain ou industriel)
Dans les analyses HMUC, quelle place sera donnée aux usages de l’eau dérivant une partie du cours d’eau avec restitution directe (moulins, piscicultures…) par rapport aux activités de prélèvements “strictes” ?
Dans l’atelier milieux, on avait pu distinguer que l’impact de ces usages avec restitution se limite d’un point de vue quantitatif au seul tronçon court-circuité. Les piscicultures sont connues et recensées. Donc il sera possible d’en tenir compte. Pour les cours d’eau dérivés avec un bief qui alimente un moulin, ce n’est peut-être pas un niveau de détail auquel on pourra aller à l’échelle des SAGE dans les HMUC.