Ce projet de recherche appliquée a pour objectif de mieux comprendre les transferts du phosphore (P) des terres agricoles aux cours d’eau et leurs variabilités à l’échelle de la Bretagne. Il a traité de deux échelles spatiales, le petit bassin versant très instrumenté de Kervidy-Naizin (Morbihan) et la région Bretagne dans son ensemble, en profitant de l’acquis de l’un pour aller vers l’autre, et en analysant les sols et les processus de transfert.
Table of Contents
- Des améliorations de connaissance
- Des préconisations pour limiter les transferts de phosphore agricole
- Les livrables du projet
- Temps d’échange
- Pour aller plus loin
L’objectif du projet a été de mettre en place les connaissances pour établir un modèle qui puisse permettre de prédire l’effet de plans d’actions aux échelles de gestion de la ressource, et plus précisément de prédire la qualité des eaux en fonction de scénarios d’évolution des pratiques agricoles ou des aménagements du bassin versant. Il s’est attaché à analyser le partage entre formes dissoute (Pdis) et particulaire (Ppart) du phosphore, et a comporté 3 volets :
- Analyse de la variabilité spatio-temporelle des concentrations et des flux à l’échelle de la Bretagne, estimation des incertitudes associées ;
- Amélioration des connaissances sur les sources et les flux émis par les sols, amélioration de la stratégie de surveillance des sols dans les contextes vulnérables ;
- Premiers développements d’un modèle reliant sol, hydrologie, pratiques agricoles et flux, à différentes échelles spatiales.
Des améliorations de connaissance
Sur les processus de transfert du phosphore agricole en zone de socle
L’enrichissement en phosphore (P) des sols par l’activité agricole et l’érosion hydrique sont à l’origine des transferts de phosphore particulaire (Ppart) et dissous (Pdis) des sols vers les cours d’eau. Toutefois, si la présence de sources de P dans le bassin versant est une condition nécessaire au transfert, il n’existe pas de relation simple entre sources et flux dans les rivières quelles que soient les temporalités. Même dans le contexte d’un bassin versant où les sols présentent une forte teneur en phosphore (P total et P extractible), les concentrations en phosphore particulaire ou dissous mesurées dans les eaux sont modérées, indiquant une forte capacité d’adsorption des sols. La capacité d’infiltration des sols, le niveau de la nappe, la présence de drains, la structure du paysage sont autant de facteurs qui déterminent si le P mobilisé (particulaire ou dissous) atteindra ou non le cours d’eau.
Les zones humides ripariennes jouent un rôle de relais entre les versants et les cours d’eau. Ce sont des zones tampons où le Ppart s’accumule dans leur sol, limitant son transfert vers le cours d’eau. Cependant, ces zones sont le lieu de processus susceptibles de transformer le Ppart accumulé en Pdis, lequel peut être transféré au cours d’eau du fait des connexions hydrologiques existant entre ces zones et le réseau hydrographique.
Sur les estimations des flux de phosphore en rivière et leur évolution
Le lien entre les teneurs en P dans les sols et les transferts au réseau hydrographique n’est pas direct. Ces transferts se font majoritairement en période de crue, avec de très grandes variations de concentrations, mettant en jeu une interaction entre le sol, les particules mises en suspension et/ou transportées par ruissellement de surface, mais surtout par les écoulements de subsurface qui ne sont pas que du « bruit de fond ». Les relations concentrations – débits dépendent du type d’apport de P (diffus ou ponctuel) ainsi que des processus hydrologiques (dilution ou concentration), biologiques et biogéochimiques (processus d’adsorption/ désorption, prélèvements biologiques dans les cours d’eau).
Dans le projet Trans-P, toutes les données de débits et de concentrations en phosphore total (Ptot) et en phosphore dissous (Pdis ou PO4) disponibles en Bretagne depuis 1987 ont été compilées dans une seule base de données, comportant 195 points de mesure permettant de calculer des flux annuels et des incertitudes. Les flux de Ppart (Ptot-Pdis) et Pdis montrent des diminutions importantes depuis 25 ans. Une partie de la baisse est imputable à la diminution des rejets domestiques et industriels (traitement des effluents domestiques et industriels, installation de stations d’épuration ou de déphosphatation, règlementation sur les détergents), qui se traduit par une forte baisse du flux moyen d’étiage (au cours des 25 dernières années, baisse de 50% et 75% respectivement pour le Ppart et le Pdis,). La plus grande partie de la baisse (80% et 60% pour le Ppart et le Pdis, respectivement) est imputable à la diminution des émissions diffuses agricoles, probablement en réponse à la mise en place de programmes de lutte contre l’érosion (couverts hivernaux, réimplantation de haies, protection des berges, …), à la modification des teneurs en P des engrais minéraux et de l’alimentation animale (phosphatase améliorant la digestibilité du P).
Aujourd’hui, la part des émissions agricoles dans les flux totaux est très majoritaire, estimée à plus de 80% pour le Ptot et de 60% pour le Pdis. Si des efforts doivent encore être consentis pour diminuer les émissions domestiques/industrielles de Pdis, l’essentiel des marges de progrès, y compris pour le Pdis, concerne les émissions diffuses agricoles.
Des préconisations pour limiter les transferts de phosphore agricole
La surveillance et la gestion des sols dans les têtes de bassin versant
- Mener une gestion précautionneuse des bandes enherbées et des sols hydromorphes afin d’éviter que les zones humides ripariennes, les zones drainées et les zones où la nappe interagit avec les horizons organiques du sol ne deviennent des sources de phsophore dissous pour les eaux de surface
- Protéger les berges et bordures du cours d’eau afin de limiter les transferts directs car elles sont des sources de phosphore dès lors que les particules de sols sont enrichies en P.
- Amplifier l’acquisition de données de teneur en P des sols et des pratiques agricoles.
La surveillance des eaux
Développer des stratégies d’échantillonnage permettant de « capter » les variations spatiales et temporelles des flux de P, et donc mieux estimer les flux. Des modèles basés sur des relations « concentration en P – débit » ou « concentration en P – concentration en MES » constituent des outils intéressants qui nécessiteraient de mettre en place des sites tests et de développer des outils et formations pour le calcul de l’incertitude sur les calculs de flux, afin d’améliorer les stratégies de surveillance du P.
Des approches intégrées : pratiques agricoles, sols, interactions sol/nappe
Le développement de modèles agrohydrologiques distribués est encore une activité de recherche. Des modèles et approches statistiques doivent prendre le relai avant de disposer de ces outils de manière opérationnelle. Deux voies sont possibles :
- A l’échelle territoriale, les approches statiques de type « indices phosphore », comme l’approche Territ’eau développé en Bretagne sont les plus utiles pour la gestion à l’heure actuelle, même si elles ne permettent pas une évaluation quantitative des flux et des concentrations.
- A l’échelle régionale, utiliser les approches de modélisation de type Nutting-P et les améliorer par les bases de données acquises dans le cadre du projet.
Les livrables du projet
Temps d’échange
En 2017, le Creseb a organisé une journée de restitution des résultats et d’échanges entre l’équipe scientifique du projet et les acteurs opérationnels dans les bassins versants bretons
Pour aller plus loin
Dès 2011, la question relative à l’eutrophisation et la pollution des eaux par le phosphore a été jugée prioritaire par les membres du Creseb.
Depuis, le Creseb accompagne des projets de recherche sur cette thématique, organise régulièrement des journées d’échanges avec les scientifiques et les acteurs de la gestion intégrée de l’eau. De nombreuses ressources documentaires sont également référencées sur son site.