Le 12 janvier 2023, le Creseb a proposé une journée d’échanges privilégiant l’approche systémique de la problématique pesticide. Dans un contexte de raréfaction des ressources en eau, notre capacité à préserver leur qualité est essentielle. À ce titre, la contamination de l’eau par les pesticides et leurs métabolites est une source de préoccupation majeure au vu du risque d’impacts toxiques sur les milieux, et du risque de non conformité de l’eau distribuée. La Bretagne souhaite tendre vers le zéro pesticide de synthèse à l’horizon 2040. Comment les acteurs de l’eau peuvent-ils se saisir de cette ambition ? Retours d’expériences, témoignages d’experts en sciences économiques, humaines et sociales, ateliers de réflexion collective… autant de formats d’échanges qui pont permis d’apporter un éclairage original à cette problématique.
participants
intervenants
ateliers
- Matinée : cadrage des enjeux et retours d’expériences
- Après-midi : approfondir et identifier des pistes d’actions
- Exposition « L’agriculture Eau quotidien »
- Pour aller plus loin
Dans son SRADDET, la Région Bretagne s’est fixé l’objectif de tendre vers le zéro-pesticide de synthèse à l’horizon 2040. Alors que les acteurs bretons de l’eau sont mobilisés depuis longtemps dans la lutte contre la contamination des ressources en eau par les pesticides, en quoi cette ambition du zéro-pesticide peut-elle être une opportunité pour eux ?
Les fortes diminutions d’usages appliquées ces dernières années au secteur non agricole orientent plus que jamais les enjeux vers le monde agricole. Quelles sont les différentes dynamiques (technique, environnementale, sociale et politique) qui entrent en jeu dans les démarches de changements de pratiques agricoles, voire de systèmes et de filières de production ou de valorisation, et ce aux différentes échelles territoriales ? À l’aune de cet objectif zéro pesticide, quels regards porter sur les outils disponibles et les actions mises en oeuvre par les acteurs ? Comment la sphère scientifique peut-elle contribuer à accompagner cette ambition ?
Matinée : cadrage des enjeux et retours d’expériences
A l’occasion de cette matinée, animée par le journaliste Philippe Berthou, Cécile Chevrier, épidémiologiste, et Chantal Gascuel, hydro agronome étaient chargées de cadrer les enjeux sanitaires et environnementaux, notamment en établissant les liens entre l’objectif du zéro pesticide et les objectifs portés par les acteurs de l’eau en Bretagne. La parole était également donnée à des porteurs d’actions opérationnelles dans une table ronde, afin d’illustrer des initiatives existantes visant à tendre vers le zéro pesticide. Des experts en économie, sociologie et agronomie ont été invités à apporter leur regard sur les initiatives décrites, afin d’identifier les facteurs de réussite et les freins.
Propos introductifs :
- Vincent Bessonneau , Directeur du département des sciences en santé environnementale EHESP
- Bruno Ricard, Président de la CLE du SAGE Rance Frémur Baie de Beaussais et membre du bureau du Creseb
Exposés
Une nécessaire approche systémique des pesticides
- Cécile Chevrier, épidémiologiste Inserm UMR Irset
- Chantal Gascuel , hydro agronome INRAE UMR SAS, chargée de mission DS Environnement INRAE
Table ronde
Mise en œuvre : freins et leviers, retours d’expériences
- Alexis Aulagnier, sociologue IEP de Bordeaux
- Ludovic Brossard, élu à l’alimentation durable et l’agriculture urbaine à la ville de Rennes
- Alain Carpentier, économiste Inrae Smart
- Armel Gentien, animateur de BV Horn et Lizig Cloarec, technicienne agricole et bocage Morlaix Communauté (29)
- Gildas Le Fessant, responsable filière culture sans pesticides ENVI Cooperl, et Stéphane Fouere, agriculteur (35)
- Lorène Prost, agronome Inrae Sadapt
Exposés sur une nécessaire approche systémique des pesticides
L’objectif des deux exposés de Cécile Chevrier, épidémiologiste à l’Inserm UMR Irset, et de Chantal Gascuel, hydro-agronome à Inrae Sas, était de rappeler les constats qui lient indiscutablement les acteurs de l’eau à la problématique des pesticides : une contamination généralisée des masses
d’eau, via des processus de transfert étroitement reliés aux usages, notamment agricoles, dans les bassins versants. Cette contamination n’est qu’une facette de l’exposition de l’Homme et des écosystèmes à ces substances dont les effets négatifs sur la santé et la biodiversité sont aujourd’hui bien établis. Ces exposés ont illustré la nécessité d’appréhender la problématique environnementale liée aux pesticides de manière systémique.
Table ronde sur la mise en œuvre : freins et leviers, retours d’expériences
Au travers des témoignages d’acteurs opérationnels (coopératives, bassins versants, collectivités) et de scientifiques, cette table ronde visait à explorer les différentes dynamiques (technique, environnementale, sociale et politique) qui entrent en jeu dans les démarches de changements de pratiques agricoles, voire de systèmes, ou encore de filières de production et de valorisation, et ce aux différentes échelles territoriales.
Après-midi : approfondir et identifier des pistes d’actions
L’après-midi, les participants étaient invités à choisir un des 3 ateliers-débats menés en parallèle, et qui portaient chacun sur des questions transversales liées à l’objectif zéro pesticide : perception et évaluation du risque pesticides, enjeux des transitions à l’échelle de l’exploitation et approche territoriale des transitions agricoles. Ces thèmes ont été abordés dans une perspective interdisciplinaire au travers de 3 exposés d’une vingtaine de minutes chacun, permettant d’alimenter les séquences d’échanges. L’objectif était d’inviter les participants à diversifier et enrichir leurs points de vue, puis à débattre pour identifier des pistes d’actions pour les acteurs de l’eau.
Donner à voir le risque pesticide (atelier 1)
La capacité à mobiliser l’ensemble des acteurs d’un territoire sur un objectif zéro pesticide repose notamment sur une perception partagée du risque pesticide. L’atelier s’est appuyé, dans un premier temps, sur l’exemple de la mesure de la contamination et de l’impact des pesticides au sein des cours d’eau, via une analyse des méthodes disponibles pour mieux les évaluer au regard de différents objectifs. Malgré les données toujours plus complètes et représentatives que ces méthodes génèrent, rendre compte de cette contamination aux différents acteurs demeure un véritable enjeu de communication. Les échanges ont également porté sur l’évolution historique de l’évaluation des risques pesticide, sur la manière dont les pouvoirs publics s’approprient et communiquent auprès des citoyens et des acteurs agricoles autour de la notion d’exposition et de contamination. Enfin, il s’est agit d’évoquer les processus de mise en visibilité et d’occultation des problèmes posés par les pesticides, ainsi que la place des citoyens dans la prise de conscience des risques liés à cette contamination par le grand public.
Ressources complémentaires
Approcher les enjeux et leviers pour une transition à l’échelle de l’exploitation (atelier 2)
Le passage à des systèmes de production zéro pesticide suppose de conduire une transition à l’échelle de l’exploitation agricole. Cet atelier proposait de s’interroger sur les différentes dimensions de cette transition. Au-delà des dimensions agronomique, économique et sociale plus souvent évoquées, les facettes de la transition comme la dimension travail, la dimension juridique et la dimension réglementaire ont été abordées. Le débat a été introduit par une présentation de l’histoire du plan ECOPHYTO, mettant en évidence comment les pratiques agricoles sont devenues la cible principale de l’action publique en matière de réduction de l’usage des pesticides. Puis, à partir du retour d’expérience d’un agriculteur ayant opéré une transition vers un arrêt d’usage des pesticides de synthèse, l’atelier a proposé d’explorer pourquoi la question du travail et de son organisation est une dimension essentielle à prendre en compte dans la conduite d’une transition. Enfin, l’atelier a exploré la dimension collective de l’accompagnement aux transitions, avec une réflexion autour des outils de facilitation.
Ressources complémentaires
Explorer l’approche territoriale des transitions agricoles vers le zéro pesticide (atelier 3)
Des politiques volontaristes de réduction et/ou de suppression de l’usage non agricole des pesticides sont mises en place depuis plusieurs années par des collectivités. Concernant les usages agricoles, des expérimentations à l’échelle de territoires sont initiées et montrent que l’action collective et la coordination territoriale représentent une voie intéressante pour développer des dynamiques et offrir des leviers permettant d’enclencher des transitions vers une agriculture sans pesticide. Toutefois, elles se heurtent à des questions de légitimité, de compétences, d’échelles. A partir d’un retour d’expériences (Terres de Sources) et de travaux en sciences économiques et sociales, cet atelier a proposé d’échanger sur les moyens possibles pour activer l’organisation des acteurs à l’échelle d’un territoire afin de favoriser les transitions agricoles vers le zéro pesticide, de passer de la conviction de quelques exploitants à une transition à plus large échelle. Il s’est également agit d’examiner les leviers d’action en articulation avec les politiques d’alimentation territoriales (PAT), ou relevant de décisions politiques et réglementaires aux échelons national et européen.
Ressources complémentaires
Exposition « L’agriculture Eau quotidien »
A l’occasion de cette journée, l’exposition photo « L’agriculture Eau quotidien » conçue en 2021 par Amélia Veitch, photographe et ethnologue, en collaboration avec l’EPAB, l’établissement public de gestion et d’aménagement de la baie de Douarnenez, et financée par la Région Bretagne, a été présentée.
Cette exposition propose de porter à connaissance du grand public la manière dont se manifeste au quotidien l’engagement des agriculteurs.trices de la baie de Douarnenez vis-à-vis de la qualité de l’eau. Vous y découvrirez des femmes et des hommes, qui œuvrent chaque jour à leur manière et à travers des systèmes agricoles différents pour une agriculture plus vertueuse pour l’environnement.
Les neuf portraits qui seront exposés ont été réalisés par Amélia Veitch, qui s’est immergée dans le quotidien de ces femmes et de ces hommes, cherchant à mettre en lumière la manière dont se traduit le sens de leur engagement pour les objectifs environnementaux du territoire.
Un habillage sonore permet aux visiteurs d’entendre les témoignages des agriculteurs en scannant un QR code disposé sous chaque panneau (durée 42 minutes au total).
La diffusion et l’appropriation des connaissances nécessitent la mise en place de temps dédiés aux échanges entre acteurs. En mobilisant une pluralité d’intervenants et de formats d’échanges, les journées organisées par le Creseb offrent les conditions nécessaires à l’instauration du dialogue entre gestionnaires, élus et scientifiques, ainsi qu’au partage et à la mise en débat des connaissances empiriques et / ou scientifiques. Ces journées permettent d’investiguer collectivement de nouvelles thématiques ou de rendre compte de l’état d’avancement des connaissances sur une thématique identifiée d’intérêt régional. Elles sont aussi l’occasion de recueillir les besoins en termes d’acquisition de connaissances et de faire émerger des projets de recherche-action ou de valorisation, ainsi que des groupes de travail thématiques.